Tango et Milonga
C’est l’air qui fait l’aigle, dit Goethe. Notre danse dépend de l’environnement dans lequel elle se développe. Au sens le plus large, mais d’abord et avant tout notre tango vit dans la milonga, c’est là qu’il trouve son sens. Et la milonga est elle-même constituée de ce qu’y mettent les danseurs. C’est pourquoi les milongas de Buenos Aires sont si différentes des nôtres, même si elles sont aussi très variées. Là, les sources du tango n’ont jamais tari même pendant la grande éclipse des années soixante et soixante-dix. Les milongueros porteños d’aujourd’hui dansent avec ceux d’hier. Chez nous, la relation est bien sûr plus lointaine. Pour certains, peu importe, “nous avons notre tango”. Pourquoi rechercher toujours la référence à Buenos Aires? Si on parle de tango argentin, et que les mots ont un sens, nous avons à cœur de nourrir notre danse de ce qui fait l’essence de ce tango, la relation qui s’y noue entre les deux partenaires à travers la musique dans un espace commun. Contrairement à ce que nous affirment certains amis argentins, le tango n’a probablement pas inventé l’abrazo. Mais certainement il lui a donné une richesse et une intensité qui ne se retrouvent nulle part ailleurs, il l’a mis au cœur de la danse. Et pour de multiples raisons, nous avons tendance, nous qui dansons en dehors de l’Argentine (mais là-bas aussi la question se pose), à perdre de vue cette essence parce que les références nous manquent. Le mystère et le bonheur de l’abrazo, c’est le cadeau du tango argentin au monde, et il nous appartient d’en prendre soin autant que nous pouvons pour le transmettre à notre tour, à notre modeste place. C’est ce que nous nous efforçons de faire à travers nos cours, nos pratiques hebdomadaires et mensuelles (La Práctica Victor et la Ronda) et notre grande milonga trimestrielle Noches de Colón.